Spectacle vivant : la Cour des comptes préconise une politique davantage partagée

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Dans son rapport annuel 2023 publié le 10 mars, la Cour des comptes consacre un chapitre au « spectacle vivant », après une enquête réalisée avec le concours de trois chambres régionales des comptes auprès de huit festivals organisés dans les régions Grand Est, Nouvelle- Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d’Azur (festival d’Avignon, festival des marionnettes à Charleville-Mézières, festival Passages à Metz, Furies à Châlons-en-Champagne, festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, chorégies d’Orange, Musica à Strasbourg et Francofolies à La Rochelle) ainsi que des services de l’État compétents.

La Cour relève que « Le premier acte de la décentralisation, intervenu au début des années 80, a fait du festival, pour les élus locaux, un événement à la fois culturel, social, territorial et économique, contribuant à valoriser l’initiative territoriale, à conférer une identité au territoire et à combler l’écart culturel entre Paris et le « désert français ».

1 – Le rapport constate d’abord que le spectacle vivant constitue désormais un fait culturel de grande ampleur, principalement porté par les collectivités territoriales, ayant permis de rééquilibrer l’accès à l’offre culturelle : la France comptait 7 282 festivals en 2022, soit près de quatre fois plus que 20 ans auparavant. Une offre sans commune mesure avec des pays voisins (2 000 festivals en Italie, 1 000 en Allemagne et au Royaume-Uni).
Les festivals de musique occupent une place prépondérante (environ 45 %) et les festivals de théâtre, danse, arts de la rue, arts du cirque, arts du conte et humour représentent près de 30 %. Cette diversité caractérise aussi la taille des festivals : 56 % d’entre eux sont fréquentés par moins de 5 000 personnes et 6 % par plus de 50 000.
Sous l’angle financier, 75 % des festivals recensés avaient un budget inférieur à 270 000 € ; dans 20 % des cas, il était compris entre 270 000 € et 1,4 M€ et pour 6 % d’entre eux, il dépassait 1,4 M€. « Leur impact en matière de développement économique et territorial, leur place dans l’offre culturelle et la dynamique de création sont éminemment variables » ajoutent les auteurs.

Même si l’État a accru son soutien aux festivals de spectacle vivant lors de la crise sanitaire, leur développement résulte principalement de l’appui que leur apportent les collectivités territoriales. Après la tenue d’états généraux des festivals en 2020, le ministère de la culture a publié, fin 2021, une charte des « principes d’engagement de l’État en faveur des festivals », prolongée en avril 2022 par une « instruction technique » ayant pour objet de structurer davantage les diverses aides allouées.

2 – L’insertion figurant dans le rapport public 2023 de la Cour des comptes insiste sur la nécessité d’une gouvernance concertée articulant mieux les interventions des collectivités territoriales et de l’État. Dans cette perspective, l’État devrait veiller à ce que l’appui qu’il souhaite continuer d’apporter, notamment à des festivals à rayonnement national et international, contribue à ses objectifs de soutien à la création artistique et de démocratisation culturelle.
Le ministère de la culture devrait ainsi focaliser ses aides sur les festivals contribuant fortement à ces objectifs ou qui s’engagent à développer des initiatives allant dans ce sens. Il lui incombe de faire prévaloir, au sein des structures organisatrices de ces festivals, des principes de bonne gouvernance, de veiller à la formalisation de leurs projets culturels et de se montrer exigeant quant à la mesure des résultats.

Le rapport adresse quatre recommandations au ministère de la Culture et aux collectivités territoriales concernées :

  • poursuivre la connaissance des moyens, financiers et en nature, du fait festivalier afin d’appréhender le réel effort des collectivités territoriales et leurs retombées économiques (ministère de la Culture). S’agissant de l’enjeu du numérique, la Cour note aussi que « les fonds audiovisuels dont disposent les festivals représentent un véritable actif, qui justifierait une approche coordonnée des acteurs, avec la contribution d’opérateurs spécialisés. À ces conditions, une offre numérique enrichie et élargie permettrait d’étendre la gamme des services offerts aux festivaliers et contribuerait à la diversification des ressources propres des festivals partenaires »
  • mieux formaliser les objectifs attendus de chaque festival bénéficiant de concours publics, en particulier à travers les outils de pilotage et de contractualisation pluriannuelle (ministère de la Culture et collectivités territoriales) ;
  • mesurer les effets des mesures prises par les festivals en matière de démocratisation des publics (ministère de la Culture et collectivités territoriales) ;
  • conditionner davantage les aides de l’État à des exigences de création, de démocratisation culturelle et de diffusion numérique (ministère de la Culture).

Les réponses de la ministre de la Culture, du P-D-G des Chorégies d’Orange et du Président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur figurent en annexe.

Une formule de la conclusion de l’insertion mérite d’être citée car elle éclaire bien toutes ces propositions : « Quelle que soit l’importance du rôle qui incombe à l’État s’agissant de la nomination des directeurs de festival, le respect du temps de la concertation et la transparence des procédures demeurent la condition sine qua non de l’implication de l’ensemble des collectivités publiques dans le pilotage stratégique d’une activité qui, bien que gérée le plus souvent sous l’égide de structures privées, relève fondamentalement d’une politique partagée ».